« Puisque c’était Noël et la fête des enfants, j’avais bien le droit de vivre pour quelques heures comme j’en avais envie…
Alors, je me suis mis à marcher le long du canal…
Je marchais, je marchais sans fin…
C’est bien pratique, le plat pays, pour des pieds et des rêves d’enfant.
Il me semblait que plus rien ne me rattachait au sol.
Et peu à peu, dans ma jeune tête, se bâtissait le paysage de ma légende.
Sur les eaux mortes du canal, voici que glissait un vaisseau, toutes voiles aux vents…
Un vaisseau dont, bien sûr, j’étais le capitaine…
Le vieux béguinage s’effaçait pour faire place à quelque canyon fabuleux.
Il pleuvait des tropiques, des jungles et des tempêtes, dans ma cervelle d’enfant…
Combien de temps ai-je ainsi marché en rêvant ?
Je l’ignore…
Je me souviens seulement que lorsqu’on m’a rattrapé et ramené au bercail, les bougies du sapin étaient mortes depuis longtemps.
Mais j’avais eu mon Noël à moi, bien plus beau que celui qu’on m’avait fabriqué. »
Photo : Jean Cleutjens